L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d’une humanité retournée à la barbarie.
Si j’ai eu un peu de mal à accrocher au début de ce roman, trouvant le style légèrement artificiel (peu de ponctuation, usage intensif de la liaison « et », pas de marque de dialogue), j’ai très vite été happée par l’histoire et les personnages… D’un coup, tout s’est harmonieusement mis en place, le style venant au service de ce roman post-apocalyptique.
Les répétitions, l’impression de « hâché » donnent un rythme, adoptent une routine se calquant sur celle de l’homme et du petit, marchant, marchant, cherchant de la nourriture, se reposant, et recommençant sans cesse. Il y a là quelque chose d’obsédant, confinant quelquefois à la folie… du monde, du père ? d’ailleurs, dans la narration, je trouve qu’on y sent à maintes reprises les pensées du père qui ont été retranscrites, pétries de fatigue, de lassitude, de peur, de désespoir, d’urgence aussi à raconter…
On se laisse prendre à cette histoire, s’identifiant facilement aux héros de La route, désignés seulement par les termes de l’homme et le petit : ils peuvent être n’importe qui, là-bas, un peu plus loin ou de l’autre côté de la terre. On assiste à une lutte pour la survie, coûte que coûte, de ces deux-là, mais aussi des autres survivants, perdus dans ce monde dévasté recouvert de poussière grise, à l’infini. Partis vers l’océan, il semble que le voyage n’en finira jamais, et il est difficile de s’imaginer comment l’humanité survivra dans ce nouvel environnement.
Cormac McCarthy raconte surtout les relations entre un père et son fils, entre un éducateur et un apprenant, c’est un passage de relais sur la planète, c’est aussi un être qui vieillit, un autre qui grandit. Ils apprennent mutuellement l’un de l’autre (quand on est parent, on apprend beaucoup !), se soutiennent, et finalement, même si les conditions de vie sont extrêmes, l’essentiel et l’important sont là.
Petit bémol : quelques facilités de scénario, ici ou là, avec des rebondissements bien pratiques, qui dénaturent à mon sens l’esprit de La route ; l’auteur cède au mélo, et même si la fin apporte de l’émotion, je l’ai trouvée légèrement afadie par ces concessions.
Bref : un roman que j’ai failli reposer, mais qui a su m’emmener à la suite de ses héros, pour réfléchir et ressentir…
Le petit plus : l’adaptation cinématographique avec Vigo Mortensen, que je me laisserai aller à regarder si d’aventure elle me tombe sous les yeux.
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