Ce jour de 1975, quand éclate une bagarre en pleine rue entre Sean Devine (le plus raisonnable), Jimmy Marcus (la tête brûlée) et Dave Boyle (le plus timoré), les trois garçons sont loin de se douter que leur destin va basculer de façon irrémédiable. Une voiture s’arrête, deux hommes qui se prétendent de la police font monter Dave avec eux sous prétexte de le ramener chez lui. Dave ne reparaîtra que quatre jours plus tard. On ne saura jamais ce qui s’est passé pendant ces quatre jours. Mais les trois garçons cesseront de se fréquenter. Vingt-cinq ans plus tard, ils sont mariés et pères de famille.
Mystic River est un roman terrible, celui d’un événement qui a marqué à jamais un enfant, ses copains, leurs parents, leur quartier… Des années plus tard, c’est au tour de la fille de l’un d’entre eux de subir l’irréparable, qui laissera non seulement une empreinte indélébile, mais qui s’étendra peu à peu aussi, à la manière d’une gangrène.
C’est un livre sombre, où l’on retrouve les gangsters comme les aime Dennis Lehane, notamment dans sa série de Kenzie et Gennaro, et où la culpabilité règne en maître, la violence fait la loi et le mot famille a un sens, dynastique, puissant, porteur d’amour.
J’ai aimé ces personnages -ils sont nombreux , typés, jouent tous un rôle comme dans une belle pièce de théâtre, où les actes apportent leur cargaison de drames- qui m’ont parlé, attachés à un quartier de Boston assez improbable, mais un quartier où tous ont une histoire commune, et qui sentent qu’il leur échappe, dévoré peu à peu par les jeunes cadres dynamiques.
Je n’ai pu m’empêcher de penser à l’ambiance de Smoking No Smoking ; le petit commerce est et demeure le point de ralliement des habitants-habitués, une mini-société à l’intérieur d’une société plus large, où chacun se demande s’il aura encore longtemps sa place.
L’intrigue est ciselée finement, l’auteur nous embarque pour mieux nous perdre, pour nous donner à nouveau l’espoir et nous replonger dans l’abîme. Les rebondissements ont eu le don de me faire pester, sursauter, quelquefois sourire… L’émotion est forte, n’oublions pas, avec un tel sujet, de tels sujets devrais-je dire même.
Le style de Lehane est impeccable, il n’a pas tout à fait la saveur pour moi d’un James Ellroy, mais il est évocateur, a le sens des mots et des ambiances.
Bref : Mystic River est un roman prenant, où l’on vit le drame en totale empathie.
Le petit plus : Clint Eastwood a signé l’adaptation cinématographique, à voir donc !
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