Werner Otto Müller-Hill est, à n’en pas douter, un personnage très marquant. Né en 1885 et mort en 1977, benjamin d’une famille de Fribourg, il se définit comme un « bon Allemand » ; mais aussi antinazi qu’antibolchevique, il dénonce le funeste pacte germano-soviétique comme une erreur tragique. Exerçant à Strasbourg à la fin de la guerre, dans la position difficile d’un juriste légaliste tenu à la réserve et à la prudence, il tient, entre 1944 et 1945, un journal qu’il dissimulera soigneusement et que son fils Benno ne découvre qu’à sa mort.
J’ai volontairement coupé le reste de la 4ème de couv’ car elle en dit beaucoup sur le contenu de ce Journal, même si elle n’en dévoile pas toute l’intelligence de son auteur. En effet, Werner Otto Müller-Hill consignera pendant les deux dernières années de la Seconde Guerre Mondiale énormément de faits historiques liés aussi bien au conflit en lui-même qu’à l’utilisation des medias par le IIIème Reich, que ses propres considérations sur ceux-ci, ses réflexions politiques, et ses sentiments de père et de mari.
Ce juge de guerre fait preuve d’une lucidité absolument inouïe, méprisant les forces au pouvoir tout en situant l’origine de la montée du nazisme dans son pays par un terreau fertile et propice remontant à Guillaume II. Il est également un visionnaire, prévoyant le suicide de Hitler, le démembrement de l’Allemagne après la victoire des Alliés -et ce, dès le début de 1944- et d’autres événements encore.
Werner Otto Müller-Hill est un patriote, dégoûté de ce qui se passe, qui voit venir la défaite de loin, et qui, même s’il est prudent, ne fait pas le salut hitlérien, saluant ses collègues d’un bourgeois bonjour (dixit). Certes, il révèle, commente, analyse des faits avec une certaine froideur, mais l’émotion pointe le bout de son nez quand il parle de ces jeunes de 14 ans qu’on envoie à la boucherie pour la gloire des puissants qui refusent d’admettre publiquement l’échec de leur politique et de leur stratégie.
Père et époux, il s’inquiète pour les siens, tout comme pour ses compatriotes, qu’il tient en grande partie pour des moutons aveugles, mais qu’il sait être disciplinés, rigoureux et dont il espère qu’ils verront enfin la vérité lorsque tout sortira au grand jour. Il parle aussi des camps de concentration, dont il n’ignore pas grand-chose et qui le révolte.
Le tout est écrit dans une langue d’intellectuel mais pas pédant, annoté par le traducteur pour nous permettre de comprendre les références que fait l’auteur. C’est assez paradoxalement très vivant, et en même temps il porte bien son nom : c’est un journal de guerre !
Bref : Ce Journal de guerre d’un juge militaire allemand m’a passionnée, et m’a offert le point de vue d’un allemand, précieux à mes yeux après avoir eu celui d’une juive dans Le voyage et d’une jeune française dans J’ai voulu porter l’étoile jaune.
Le petit plus : La couverture est vraiment belle, et j’ai apprécié le marque-page à son effigie envoyé par l’éditeur avec mon exemplaire.
Merci qui ? Merci à Babelio et sa Masse Critique, ainsi que les éditions Michalon pour ce beau partenariat qui est venu nourrir ma curiosité toujours présente pour cette période de l’Histoire.
Place aux lecteurs