Le tonnerre éructe de toutes ses forces dans la nuit. De temps à autre, les lumières éblouissantes de l’éclair ricochent sur le bas quartier, peuplant les recoins de visions cauchemardesques. Il est vingt-deux heures, et pas un chat ne se découvre assez de cran pour se hasarder dans les rues. C’est l’heure où les gens s’autoséiquestrent pour se forger des alibis, la conscience cadenassée, un sommeil opaque sur les yeux. Le moindre friselis est perçu comme un cri d’agonie. Alger retourne en enfer.
Après Morituri (qu’hélas, ma médiathèque ne possède pas !), Double blanc est le second volet des enquêtes du Commissaire Llob dans l’Algérie en guerre intégriste. C’est la première fois que je lis Yasmina Khadra, et je me demande comme on a pu croire que l’auteur était une femme. Car voilà une écriture masculine, virile au possible ! Peut-être le genre y est pour quelque chose, mais tout de même…
C’est le Commissaire Llob qui narre son enquête placée sous le signe d’attentats terroristes à Alger. Langage imagé, sens des métaphores, analyse d’une société en plein désarroi, dans une ambiance permanente de danger, Yasmina Khadra nous fait vivre les heures sombres de son pays. Avec cruauté -l’auteur dit bien haut ce qu’il pense- et révolte, à travers son héros, il nous dit son dégoût du fondamentalisme, de la barbarie et aussi son admiration pour ceux qui résistent encore, tant à la peur qu’aux sirènes de l’intégrisme.
Llob mène une vraie investigation, passionnante, haletante et nous embarque à sa suite sans peine dans son univers, tout en exprimant un amour profond pour son pays. Les personnages sont nombreux : policiers, politiciens, chefs d’entreprise, indics et d’autres encore, mais jamais on ne s’y perd : on adore les humer, les goûter pour mieux découvrir l’Algérie, Alger et ses habitants.
Bref : un très bon roman policier, surprenant, servi par une écriture talentueuse, au ton acerbe et désabusé.
Le petit plus : Yasmina Khadra est une belle découverte encore une fois grâce à Pimprenelle ; je prolongerai sans nul doute le plaisir avec d’autres romans, tant de la série, qu’en allant faire un tour sur les blogs des autres participants à Découvrons un auteur.
Merci qui ? Merci à Véro de 100 et 1 qui, par ses différentes chroniques sur cet auteur, m’a donnée envie de le lire !
Et dedans ?
C’est vrai, nous sommes en Algérie. Et l’Algérie [...], c’est comme de l’or, plus on s’y frotte, plus elle brille. C’est un bled d’Erguez. Ca baisse la garde quelquefois, mais jamais la culotte. Et plus on l’accule, et mieux elle se défend.
Le soleil se complique l’existence derrière la stèle du Maqam. Il voudrait bien flirter avec les nuages mais il craint d’être pris en canard sauvage. Le ciel étale sa frousse bleue sur la baie frissonnante.Alger cuve son chagrin comme un clodo son vin frelaté. Ramassée sur elle-même, elle s’escrime à contenir ses soubresauts pour ne pas éclater. Dans mon bureau stressant, j’essaye vaguement de me noyer dans une tasse de café.
Le cafetier nous ignore depuis son comptoir rudimentaire, une grimace obscène au milieu de sa barbe. C’est une espèce de créature rabougrie, au look de gargouille d’église, les épaules par-dessus la tête et les yeux globuleux. Il a tellement de poils sur la figure qu’on le croirait encagoulé. Bref, le genre d’énergumène à ne jamais montrer sans prévis aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux enfants bien éduqués.
22/50
Merci de ta visite, Nico ! Je note ce titre, je suis très curieuse de lire d’autres romans de Khadra, tant celui-ci m’a plu.
Je viens de le lire – et pour une fois, j’ai lu Morituri avant, je lis la série dans l’ordre.
Quelle chance ! Moi, je n’ai pas trouvé Morituri… mais je vais finir par réussir à mettre la main dessus !! Si tu as continué, c’est que ça t’a plu !
c’est un très grand écrivain qui mérite tous les honneurs car en ma qualité d’algérien qui a vécu l époque du commissaire llob c’est quelqu’un qui explique les arrières plans de notre Algérie d’une manière remarquable qui hélas les décideurs continuent leur machinations machiavélique pour maintenir le payes dans le Ko totale qui continu a servir les monstres tan-disque les saints se retrouve en marges de la société,soit dans des asiles enfermes ou triment pour pouvoir joindre les deux bout pour survivre dans une Algérie richissime
merci de votre visite tout d’abord. Oui, je pense que c’est un auteur qui parle à ses compatriotes, tout comme il ouvre les yeux à nous autres, occidentaux, anciens colonisateurs, et surtout soi-disants démocrates (je dis soi-disants, car lorsqu’on va serrer la main de dictateurs, ça me fait toujours bizarre !)