En ce début de XXe siècle à Vienne, où l’on peut croiser Freud, SchSnberg, Klimt et bien d’autres encore, les cafés sont le lieu de débats fiévreux. C’est dans cette atmosphère d’effervescence artistique et scientifique que Max Liebermann, jeune psychiatre et pianiste à ses heures, mène ses enquêtes avec son ami Oskar Rheinhardt, inspecteur et… chanteur lyrique amateur. Et ils vont avoir fort à faire avec le cas de cette jeune et jolie médium retrouvée morte chez elle dans une pièce fermée de l’intérieur. Une note griffonnée de ses mains laisse penser à un suicide. Pourtant, les indices déroutants s’accumulent : l’arme du crime, un pistolet, a disparu, et aucune trace de la balle n’est retrouvée durant l’autopsie… Serait-ce l’intervention d’un esprit maléfique ?
La justice de l’inconscient s’inscrit dans la grande tradition des romans policiers dits « énigmes en chambre close », comme Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, l’un des tout premiers. Mais, au contraire de ce dernier qui m’avait profondément ennuyée, le roman de Frank Tallis est passionnant. Parce qu’il s’inscrit dans un contexte particulier, celui des débuts de la psychanalyse et de la psychologie qui abandonne peu à peu ses préjugés, et historiquement dans celui d’un sentiment antisémite grandissant.
On est donc à Vienne, ville de musique, et on suit en parallèle l’enquête sur le meurtre mystérieux d’une jeune medium et les soins que donne le Dr Liebermann à une jeune femme soudainement atteinte de paralysie partielle. Le tout est très accrocheur. Liebermann met au service de l’énigme ses talents et ses connaissances de psy : hypnose, interprétation des rêves, observations (lapsus, comportements…), que l’on peut retrouver plus ou moins lors des séances avec sa patiente.
Les personnages se dévoilent peu à peu et nous apparaissent plus complexes qu’au prime abord. L’auteur fait la part belle aux femmes dans un monde en mutation -sociétale, technologique, médicale- au travers de beaux portraits. Frank Tallis écrit bien, ses démonstrations et explications, scientifiques et psychologiques notamment, ne tournent jamais à la leçon de choses ennuyeuse. En outre, La justice de l’inconscient est très bien documenté, et permet de se plonger dans la Vienne du début du 20ème siècle, avec plaisir pour les lecteurs passionnés d’histoire comme je le suis.
De plus, l’intrigue est construite comme une machine bien huilée, la fin est étonnante, et on referme le livre avec un sentiment d’attente, car on sait que nous n’en avons pas fini avec les héros des Carnets de Max Liebermann.
Bref : un bon roman policier, inscrit dans une grande tradition, mais avec un gros atout, celui de la psychologie clairement revendiquée.
Le petit plus : Frank Tallis est docteur en psychologie, spécialiste des troubles obsessionnels, un gage quant à cet aspect du livre.
Et après ? Du sang sur Vienne est la deuxième aventure de Liebermann, et j’ai bien l’intention de la lire !
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