Australie, dans les années 1960. En pleine vague de contre-culture, sur fond de jazz et d’existentialisme, un jeune métis aborigène sort de prison. Sa courte errance de citoyen libre dans la ville lui fera découvrir les multiples barrières entre lui et les Blancs, lui et les Aborigènes, lui et une société dans laquelle il ne trouve pas ses repères. S’ensuit un parcours initiatique entre déchéance urbaine et retour à la brutalité du bush.
Quand j’ai postulé pour ce partenariat sur Blog-o-Book, je ne savais pas grand-chose de l’auteur, mais le fait que cet histoire parle d’un métis aborigène m’attirait énormément. J’ai donc été très heureuse d’être sélectionnée (d’autant que j’étais en mesure de le lire pour le Challenge Destination Australie d’Evertkhorus) et maintenant que je l’ai lu, je me rends compte de la chance que j’ai eu… J’ai adoré ce livre !
Tout d’abord, autant situer les choses : c’est le premier roman écrit par un aborigène australien, Mudrooroo alors sous le pseudo de Colin Johnson, en 1965, et il est traduit pour la première fois en France chez Asphalte. C’est tout simplement puissant. Fait d’allers et retours entre le présent -c’est le jeune homme qui raconte- et le passé -où il devient simplement « il », comme un spectateur de son histoire-, et servi par une écriture percutante, une langue très belle, Chat sauvage en chute libre est un roman sur l’indifférence. Celle qu’un jeune métis s’efforce d’atteindre, pour échapper à sa vie.
Car, dans une Australie où les Aborigènes n’ont pas le le statut de citoyen et donc encore moins le droit de vote, où ils vivent dans des réserves, il n’y a pas beaucoup de choix quand on n’est pas Blanc : l’alcool, la déchéance, la délinquance, la prison, ou alors renier totalement ses origines, comme a tenté de le faire la mère du héros de ce livre très politique. Jamais on ne saura son nom, à ce garçon de dix-neuf ans qui joue les durs, et qui, très intelligent, essaiera d’aller au-delà des frontières, de gratter la petite lueur d’espoir en lui, pour s’apercevoir qu’il n’en a pas vraiment, pas plus que du désespoir.
Mudrooroo rend à la perfection l’Australie des années 60, en dehors de tout consensus ; j’apprendrai plus tard dans la Post-face qu’il inaugure la radicalité concernant l’aboriginalité. Du côté décor, de façon très visuelle et pourtant succinte, on passe de la prison à la ville de Perth, aux plaines céréalières, pour finir dans le bush australien. A chaque fois, on s’y croirait. C’est magnifique, loin des clichés, et pourtant, étrangement familier… Peut-être parce qu’on a tous au fond de nous le souvenir d’odeurs, de lumières et d’obscurités qui nous restent de notre enfance.
Bref, je vous recommande chaudement ce petit bijou, qui ne compte que 165 pages, dont je comprends tout à fait qu’il soit étudié dans les collèges et universités australiens.
Un extrait :
Même s’il estime être un homme libre, il est l’un d’entre nous. Peut-être cet homme s’est-il dit un jour qu’il pouvait réformer les prisonniers, les remettre dans le droit chemin, mais je devine aujourd’hui qu’à sa manière, il est aussi perdu que nous tous. Peut-être plus, même. Il avait plus à perdre.
Le petit plus : L’objet livre est très beau, et notamment comporte un rabat sur sa 4ème de couverture avec une playlist concoctée par Mudrooroo lui-même pour cette édition afin d’accompagner la lecture, playlist qu’on trouve sur le site de l’éditeur.
Merci qui ? : Merci à Blog-o-Book et aux éditions Asphalte, que je ne connaissais pas, mais que je vais surveiller dorénavant, pour l’envoi grâcieux de ce roman qui est un vrai coup de coeur.
Place aux lecteurs