Il dormait au fond d’un lac depuis soixante ans. Il aura fallu un tremblement de terre pour que l’eau se retire et dévoile son squelette, lesté par un émetteur radio recouvert d’inscriptions en caractères cyrilliques à demi effacés. Qui est donc l’homme du lac ? L’enquête révèlera au commissaire Erlendur le destin tragique d’étudiants islandais confrontés aux rouages implacables de la Stasi.
J’ai fini par replonger dans un roman d’Arnaldur Indridason. Que voulez-vous ? On aime ou on n’aime pas, et moi, j’aime ! Plus qu’un policier, on a affaire encore une fois à la description et à l’analyse de la société islandaise. L’enquête ne passe pas au second plan, d’ailleurs je peux vous assurer qu’on a très envie de savoir qui est L’homme du lac, et le pourquoi du comment.
Mais, ici, on assiste à un retour dans le passé -comme déjà notamment dans La Femme en Vert- où l’on découvre l’histoire du socialisme islandais. En effet, parallèlement, aux investigations menées par Erlendur et ses collègues, l’assassin se souvient de ce qui l’a mené au crime et nous dévoile sa victime. Rien de trash ni de sanguinolent, ici on est loin des thrillers comme L’Âme du Mal de Chattam, ou dans un policier d’emblée bien noir comme Aime-moi, Casanova d’Antoine Chainas. Non, on est vraiment dans un pur polar psychologique et sociétal.
Car la personnalité d’Erlendur est vraiment au centre de chacun des romans de l’auteur islandais, et celui-ci ne fait pas exception : spécialisé en disparitions, comme son créateur Arnaldur Indridason, il s’intéresse aux survivants, ceux qui sont encore là quand d’autres ont disparu. Assez paradoxal, quand on sait qu’il passe ses loisirs à lire des livres qui ne parlent que de disparitions, lui qui a connu celle de son frère, et qu’on a l’impression qu’il passe à côté de la vraie vie. Sauf que là, il y a des événements qui poussent Erlendur dans la bonne direction, dirait-on…
La société islandaise est aussi au coeur de ce roman ; si le passé remonte à la surface jusqu’aux heures sombres de la Stasi en RDA, on y apprend encore une tonne de choses sur l’Islande, le rythme de la vie, et donc de l’écriture, étant très différent de celui d’un pays plus méditerranéen comme le nôtre. Ainsi, les flics se souviennent de la plupart de leurs dossiers anciens, on imagine facilement qu’ils ne croulent pas sous les affaires criminelles tous les jours, et la population nationale s’élevant à tout juste 320 000 habitants, on ne peut que comprendre ! Intéressant aussi d’aborder le système judiciaire et son fonctionnement…
Et surtout, surtout, enquête hors normes, sur quasiment un an, qui démarre en plein été lumineux, et où toute violence est bannie : ni course-poursuite, ni échanges de coups de feu, et pourtant une tension qui monte au fur et à mesure. Indices semés avec habileté, fausse piste, égarement, vies privées fragiles et précieuses, intuitions nous emmènent jusqu’au dénouement qu’on accueille presque avec soulagement. Et pourtant !
Bref, un excellent Indridason, non exempt de moments de tendresse, et qui, encore une fois, nous fait vivre à l’heure d’un état insulaire nordique, bien particulier.
Le petit plus : Hiver arctique est sorti tout récemment en poche chez Points, je pense qu’il va bientôt rejoindre ma PAL !
Le petit plus du plus : ci-dessous deux vues du lac Kleifavartn (au nom quasi aussi imprononçable que le fameux volcan qui enquiquine les avions !) où a été découvert le squelette.
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