Victor Frankenstein ! C’est l’inventeur, le savant maudit ! A quinze ans, il est témoin d’un violent orage foudre, traînée de feu, destruction d’un chêne… Son destin est tracé. Après des années de labeur, il apprend à maîtriser les éléments ; l’alchimie est pour lui une seconde nature. Bientôt il détient le pouvoir de conférer la vie à la matière inerte. Nuit terrible qui voit la naissance de l’horrible créature ! L’oeuvre de Frankenstein. Un monstre ! Repoussant mais doté, d’une force surhumaine et conscient de sa solitude. Echappé des ténèbres, il va, dans sa détresse, semer autour de lui crimes et désolation. D’esclave qu’il aurait dû être, il devient alors le maître, harcelant son créateur. Il lui faut une compagne semblable à lui… Pour Frankenstein, l’enfer est à venir…
Je n’avais pas encore lu ce livre souvent considéré comme le premier roman de science-fiction, et l’avais donc inscrit à mon Challenge Livraddict 2010. Une lecture commune sur mon forum préféré de lecteurs me l’a fait lire plus tôt que ce que je pensais.
Mary Shelley a écrit ce roman suite à un petit défi lancé par Lord Byron avec d’autres amis (nous, sur Livraddict, le défi était de le lire !). La demoiselle a eu du mal à s’y mettre, et a finalement trouvé l’inspiration suite à un cauchemar du certainement à l’absorption d’opium…
Voici donc un roman construit comme la suite de plusieurs narrations, celle de Walton, jeune aventurier dans les glaces de la banquise, puis celle de Frankenstein, suivie de celle de la créature monstrueuse pour terminer par celle de Walton. Ces différents récits s’étendent sur plusieurs années, et on opère plusieurs come-backs dans les événements, éclairés en cela par les narrateurs successifs.
J’ai légèrement modifié le résumé car il contenait certaines invraisemblances… Ainsi, contrairement à pas mal de confusions -comme celle où Frankenstein est le monstre- on ne sait pas comment la créature a été fabriquée, pas de cadavres rafistolés les uns aux autres, non ! Certes, le savant enthousiaste et inconscient qu’est Frankenstein parcourt les cimetières, mais il ne révèle pas le secret de fabrique, pas question que Walton ou un autre ne reproduise son erreur…
J’ai apprécié cette lecture, qui offre d’ailleurs plusieurs niveaux d’interprétation. On peut prendre le roman au premier degré, en s’énervant d’entendre geindre eet se lamenter quasi continuellement Victor, en déplorant la lenteur du récit par moment, le manque d’actions peut-être également… Mais on peut aussi y voir un fameux parallèle avec la création de l’Homme, la créature étant celui-ci. Eh oui, le sous-titre nous donne pas mal d’indications : selon la mythologie, Prométhée a créé les hommes à partir d’une motte d’argile (mythe précurseur du christianisme qui fait de Prométhée un modèle pour Lucifer l’ange favori de Dieu, qui « instruit » les hommes ou qui peut encore être mis en parallèle avec le récit biblique de la Genèse où le serpent (Frankenstein) crée un être qui a la connaissance du bien et du mal, don qui causera finalement sa perte)
D’ailleurs, lorsque le savant se lamente sur son sort, il se dit souvent incapable de prendre plaisir aux merveilleux paysages qui l’entourent, nature créée par Dieu et qui nous est abondamment et avec enthousiasme décrits, par opposition à l’horreur qu’il vit, mais surtout l’horrible abomination à qui il a donné vie. Alors, certes, j’avoue, j’ai trouvé quelquefois ces passages particulièrement longs, mais ils étaient le pendant exact des plaintes du malheureux suisse (oui, Frankenstein est suisse, pas anglais !).
J’ai d’ailleurs pas mal pesté contre ce savant inconséquent, qui conçoit un monstre pour ensuite s’en détourner sans y penser, bien centré sur lui-même et la frayeur qu’il a pu ressentir. Non seulement, il n’a pas réfléchi lorsqu’il s’est lancé dans cette aventure mais quasiment jusqu’à la fin, il ne prendra pas conscience de ses erreurs ni de la portée de ses actes ; il a en toutes choses qu’il appréhende une vision bien étroite… Voilà l’archétype du savant fou, qui fonce tête baissée vers un but qu’il s’est fixé, dans une ferveur toute scientifique -purement technique-, sans trace d’éthique, ni de conscience morale. Ainsi, lorsqu’il rejette sa créature, il n’a pas une seule pensée pour celle-ci, toute neuve, qu’il jette dans le monde, qu’il abandonne…
Alors, si ce personnage est peu sympathique, je vous rassure, d’autres le sont. Les portraits de femmes sont particulièrement forts : des caractères affirmés, de hautes vues, qui bénéficient d’ailleurs d’une éducation similaire à celles des hommes de ce roman. Les hommes, eux, à l’image de Victor, sont plutôt entraînés que réellement actifs. Roman féministe donc, et féminin ! Car l’écriture est indubitablement féminine, ne me demandez pas de vous expliquer comment, mais c’est ainsi que je le ressens… Peut-être parce que lorsque les hommes parlent ici, j’ai l’impression que ce sont des femmes… bon ! Mais le style est là, empreint de culture par ailleurs. J’ai bien aimé les poèmes, qui étaient pour moi d’une justesse parfaite avec l’intrigue. Je me suis même posée la question de savoir si une partie de la narration n’avait pas été construite autour de ceux-ci, c’est dire !
Et le monstre, me direz-vous ? Eh bien, celui-ci sait très bien exprimer son désarroi d’être seul, en pâture dans un monde dont il n’a aucune idée, et qui le repoussera avec effroit, tout comme son inventeur. Très conscient du bien et du mal, décidé tout d’abord à faire le bien, car tout prêt à l’amour, blessé jusqu’aux tréfonds de son coeur et de son âme (eh oui, même ça, il en a !), il choisira le mal, la vengeance… (l’homme chassé d’Eden deviendra mauvais !) non sans souffrir de ce choix, contraire à ses inclinaisons premières. On est bien loin ici du monstre tout vert, couvert de cicatrices (que si un chirurgien esthétique en faisait des pareilles, on ne lui confierait même pas un ourlet), qui marche en poussant des cris inarticulés, que certains films ont donné à voir !
En conclusion, un livre bien noir, où inéluctablement les catastrophes, les tragédies s’enchainent. Tout le long, Frankenstein, esprit si brillant, est totalement impuissant à discerner la situation dans son entier, et à prendre en conséquence les bonnes décisions, celles que nous, lecteurs, voyons très clairement, et qui vraiment tendance à nous faire mépriser ce personnage aveuglé par une trop grande estime de lui-même et qui se laisse aller au désespoir si facilement.
En bref, à lire !!
Les avis des autres participants à cette LC : Alice, Evertkhorus, Mélisende, Mystix, Erell
Je ne l’ai jamais lu ! Il faudrait que je comble ce manque et en même temps j’ai peur de ne pas accrocher. J’ai eu beaucoup de mal avec « Dracula » alors si ça me fait pareil avec « Frankenstein »… Bref, je note et je verrai à l’occasion. En tout cas, superbe avis Flof !
Je n’ai encore jamais eu l’occasion de le lire mais cette lecture me tente vraiment!! Elle est sympa cette couverture dis donc
Et bé ! Je vois que tu es très enthousiaste et que tu as beaucoup réfléchi au sujet ! Waouh ! Merci pour ton petit paragraphe sur Prométhée et sur la création de l’homme. ^^
Il ne nous manque plus que les impressions d’Erell !
En revanche, tu as eu l’impression que le roman était féminin et donnait la part belle aux femmes, et moi… pas du tout ! lol Je suis complètement passée à côté de ça j’ai l’impression !
Nos avis se complètent tous plutôt bien, et pour le moment, tu es la plus enthousiaste.
Meli
j’avais bien aimé ce livre, même beaucoup aimé ! et l’adaptation en film est très sympa aussi !
Oui quel enthousiasme! Tant mieux si cette lecture t’a plu! Moi non plus je n’ai pas trouvé ça féminin, elles sont plutôt absentes. Ce sont celles qui se font tuer et attendent sans fin à la maison, celles qui voient leur famille partir à l’aventure, non pas très féministe tout ça!
@ belledenuit : je comprends, quand on lit ces classiques, on a quelquefois vraiment l’impression d’un décalage…
@ Marionnette : eh bien vas-y, car c’est intéressant de lire les grands classiques des différents genres…. et le livre fait partie de la collection Marabout tout comme Dracula (chroniqué sur mon blog aussi)
@ Melisende : c’est ce qu’il m’a semblé quand j’ai parcouru vos billets, que je vais venir commenter d’ailleurs… quant au côté féminin, c’est l’écriture d’une part qui est féminine je trouve, et d’autre part il fait la part belle aux femmes dans ce sens où à l’époque elles ne bénéficiaient pas d’une éducation semblable aux hommes contrairement à ce qui se passe dans le roman.
@ Anneso : ah chouette ! tu parles du film de Kenneth Brannagh, je suppose ?
@ Evert : C’est vrai, mais comme je le dis à Mélisende, ce sont des femmes qui ont reçu une éducation qui ne se limite pas à être de parfaites femmes de maison, qui pour Elisabeth a vraiment partagé énormément de choses avec Frankenstein pendant leur enfance, qui pour Safie (la jeune turque) a osé se sauver pour retrouver son amoureux, qui pour la jeune qui est condamnée pour le meurtre du petit William (son prénom m’échappe, zut) a, elle aussi, reçu une éducation ne se limitant pas à devenir servante… La mère de Frankenstein aussi est une femme courageuse… Frankenstein, quant à lui, se laisse balloter la plupart du temps par les événements, ne prenant quasi pas de décision mais s’en laissant imposer, toujours à se lamenter (les femmes ici ne se lamentent pas, elles agissent !), le père, lui, fait semblant de croire aux mensonges de son fils ou absences de sincérité parce que c’est plus commode… d’ailleurs le père meurt foudroyé non par la mort de son jeune fils, mais par celle de sa « plus que fille »…
Alors, certes, elles restent à la maison, mais on est en 1870 tout de même, difficile d’en faire des super-héroïnes…
C’est une lecture très ancienne pour moi mais ton (très bon) billet me rappelle quelques souvenirs, notamment mon antipathie pour ce savant fou et ma compassion pour la créature… La plupart des vieux films font de la créature (un croisement entre Hulk et l’homme de Cro-Magnon
) un monstre sanguinaire et sans cervelle. A cet égard, j’avais apprécié les nuances introduites par la réalisation de Brannagh même si j’ai trouvé au final que son film était très grandiloquent et encore trop typiquement hollywoodien (un comble pour un acteur shakespearien aussi talentueux..). Bref, le roman de Mary Shelley, même s’il contient quelques cafouillis et invraisemblances, a le mérite d’aborder un thème intéressant, ce besoin de créer à l’égal de Dieu, qui reste très contemporain hélas, en témoignent les innombrables,inutiles et dangereuses expériences des scientifiques dans le domaine de la génétique. Je n’avais pas été déçue par ce Frankenstein, bien au contraire, et je crois que c’est vraiment un des classiques « incontournables ».
Je viens de lire l’avis de Mélisende et à vous deux, vous m’avez convaincue de le rajouter à ma LAL alors que j’avais un à-priori négatif !
@ Folfaerie : merci pour ton com’ qui je trouve vient bien souligner mon article (lol). Bref, c’est vrai qu’on a tendance à préférer largement la créature à son créateur, qui est franchement limite un « pauvre type » !! mdr
@ Véro : chouette !!! en fait, si tu as vu des vieux films, ça n’a rien à voir… c’est comme les Dracula, on s’est beaucoup servi du mythe sans faire une adaptation du bouquin vraiment…
Merci pour cet article très instructif et intéressant. Avant ça, je faisais parti de ceux qui imaginait le monstre vert, couvert de cicatrices, et fabriqués à partie de morceaux humains recollés… Bref, ca ne volait pas bien haut ^^’
Le livre me tenterait bien, mais les bouquins avec des personnages principaux profondément antipathiques, cà a tendance à m’enerver et à me rendre irritable ! Lol. Alors je crois qu’avec ce docteur, ca collerait pas xD
Mais merci d’avoir éclairé un peu ma lanterne