Un jeune homme auteur de poèmes est amoureux de l’artiste en herbe de son lycée. Deux de ses camarades se font passer pour la jeune femme et le piègent. Ils le violent. Vingt ans plus tard, le poète est devenu un photographe. Il est aussi devenu un tueur obsessionnel. Il repère des jeunes femmes seules, pénètre leur intimité et les assassine en faisant passer leurs morts pour un suicide. A chaque crime, il envoie un présent à son amour de jeunesse… Personne ne semble pouvoir le stopper. Sauf Lloyd Hopkins. Surnommé par ses collègues « Le Cerveau », Hopkins est doté d’une intelligence remarquable et d’une intuition à la limite du surnaturel. Il est obsédé par le crime, le sexe et la nuit. Marié et père de trois fillettes, il accumule les aventures avec les femmes qui croisent sa route… Il tombe un jour par hasard sur un des meurtres du poète mais là où les autres ne voient qu’un suicide lui devine être sur la piste de quelque chose de plus énorme.
Chronique d’une relecture, parce que je n’avais lu que les deux premiers tomes de cette trilogie, et qu’ayant acquis le dernier, j’ai décidé de tout reprendre au début.
C’est un chef d’oeuvre, je le dis tout net. Je l’ai terminé hier soir, et j’en suis encore retournée. Livre marquant, bouleversant, il a été l’un des premiers à utiliser l’idée de construire en parallèle l’itinéraire du tueur et celui du flic. Cru, violent, passionnant, Lune sanglante ne laisse pas le lecteur indemne, c’est sûr. Dès le commencement de l’histoire, on sent le drame qui se noue, et qui va faire de ce volume un livre inoubliable.
Lloyd Hopkins est un policier hors du commun, qu’on sent marqué par une tragédie personnelle, que James Ellroy effleure pour nous du bout des mots tout au long de ce thriller. Ses rapports avec la loi, la justice, le Bien et le Mal sont tout particuliers, tout comme ceux avec les personnes qui l’entourent. Il est Amour, et c’est ce qui le guide, c’est peut-être d’ailleurs pourquoi il n’y a que lui qui pouvait comprendre le meurtre sur lequel il enquête par hasard, car le serial killer est lui aussi hanté par l’Amour, à sa manière. On ne peut qu’être fasciné, troublé, par l’analogie entre ces deux personnages.
Du reste, leurs cheminements à l’un et à l’autre nous mènent à les comprendre, bien plus que la morale ne le voudrait peut-être. Malgré l’agression émotionnelle, cérébrale que constituent leurs actes, on se surprend, non pas au dégoût, mais à l’empathie… Difficile à supporter quelquefois, quand on croit savoir où se situent les limites.
L’écriture de James Ellroy, violente, lucide, intelligente, porte l’intrigue d’une manière absolument parfaite et adaptée. Elles collent l’une à l’autre, c’est incroyable. J’ai rarement lu quelque chose d’une telle intensité, dans la langue, le langage, l’action et le scénario.
En conclusion, j’ai besoin de me remettre un peu avant de passer à la suite, A cause de la nuit, tant mon coeur se serre encore rien qu’à la pensée de ce roman.
Le petit plus : Il a été adapté au cinéma, par James B. Harris, en 1984, avec James Woods (un de mes acteurs préférés) dans le rôle de Lloyd Hopkins, sous le titre de Cop. Relire m’a donné une envie folle de voir le film (vive les DVD !).
Ils ont dit :
« Des écrivains comme ça, dans le roman noir, on en découvre un tous les dix ans. » (Michel Lebrun, Le Matin)
« Opéra noir, peuplé de fantômes, où le sexe et la mort rôdent sans cesse dans l’immensité inhumaine de Los Angeles la mal nommée, Lune Sanglante est un fulgurant joyau, une moderne tragédie, qui porte fièrement en exergue une citation du Richard II de Shakespeare. » (Bertrand Audusse, Le Monde)
Un des plus remarquables romans noirs de la décennie, par sa préoccupation intellectuelle élevée, son écriture savante et, pour le dire balistiquement, son épouvantable puissance d’arrêt… » (Jean-Patrick Manchette, Libération)
Après une première expérience avec « le Dahlia Noir », j’étais impatient de m’attaquer à « La Lune Sanglante », mon deuxième James Ellroy. D’emblée, on retrouve le style nerveux et précis du précédent opus, mais avec encore plus de noirceur et de violence. Les premiers chapitres, parfois à la limite du supportable, s’enchainent comme un ensemble de nouvelles qui me laissent sur ma faim. Où veut-il en venir ? Dans quel méandre de la noirceur de sa folie créatrice veut-il nous emmener ? J’avoue être presque déçu. Puis petit à petit, le récit gagne en densité et perd de sa violence. On rentre dans la vie des personnages, dans leurs faiblesses, leurs blessures qui font leur force, on sent venir l’affrontement final entre le tueur déjanté ancien souffre douleurs dans sa jeunesse et le flic borderline, trop intelligent pour être crédible. Finalement, c’est un roman noir très classique d’une efficacité remarquable qui offre du grand spectacle. Premier volet d’une trilogie (suivi de « À cause de la nuit » et de « La Colline aux suicidés »), j’ai très envie de poursuivre l’expérience.
J’ai fait l’inverse ! j’ai d’abord lu la Trilogie Lloyd Hopkins, avant de plonger littéralement dans Le Dahlia Noir… A présent, oui, Lune Sanglante peut sembler classique, mais à l’époque où Ellroy l’a écrit, ce roman était parmi les premiers à suivre en parallèle le flic et l’assassin. C’était aussi, si je ne me trompe pas, un des premiers à imaginer un personnage de fiction qui soit un serial killer… Le tout est vraiment un polar bien noir, à l’écriture frappante, et qui laisse des séquelles… Tu verras, les prochains sont excellents aussi !