Dans Diablerie, le héros passe d’un emploi tranquille et routinier à un univers fantasmagorique, ridicule… et inquiétant. Une odeur de soufre et tout un symbolisme entourent ce pauvre homme perdu entre bureaucratie et absurdité, à la poursuite de chimères.
L’auteur : Mikhaïl Boulgakov grandit à Kiev, entre à la faculté de médecine en 1909, puis se marie. Inapte au service militaire, il est d’abord réquisitionné pendant la Première Guerre mondiale comme médecin de la Croix Rouge, puis une fois diplômé en 1916, il travaille à l’hôpital rural de Nikolskoïe. C’est à cette époque qu’il commence à écrire ‘Les Récits du jeune médecin’, qu’il ne termine qu’en 1921 suite à de nombreux changements. Démobilisé pour problèmes de santé, il ouvre son propre cabinet à Kiev mais doit rejoindre l’armée de Petlioura, dont il s’échappe pour suivre l’armée blanche dans le Caucase. Abandonnant la médecine en 1920, il se consacre à la littérature. Rejoignant Moscou, il publie de nombreux articles et travaille à ‘La garde blanche’, qu’il adapte pour la scène en 1925. Domicile perquisitionné, manuscrits confisqués, pièces tantôt jouées tantôt interdites par le pouvoir, Boulgakov devient assistant-metteur au Théâtre Artistique jusqu’en 1936. Auteur de comédies, de romans sur la guerre civile.. ., ennemi de la bureaucratie et des compromis, cet artiste passionné de théâtre, incompris et écrasé par le pouvoir soviétique, dut se contenter d’emplois subalternes, faute d’être joué.
Si vous voulez lire une critique de la société stalinienne, mais sous une forme fantastique et délirante, cette nouvelle est pour vous. De façon très rapide, les événements les plus improbables s’enchaînent, dans une allégorie de l’absurdité du régime soviétique qui broie l’individu au mépris de la raison, ou tout simplement de l’être humain. Le héros, destiné à une vie d’employé modèle, voit son salaire payé au moyen de boîte d’allumettes car les caisses sont vides. Il découvrira que d’autres, comme sa voisine, vivent la même chose : celle-ci est payée en vin de messe ! A partir de là, sa vie va déraper, prise dans l’engrenage de la société, de personnages plus délirants les uns que les autres, d’aventures plus invraisemblables les unes que les autres. Il trouvera refuge dans le vin de messe qui ne lui procure que maux de tête, la douleur entraînant l’oubli de sa situation… kafkaïenne, si je puis dire… Rebondissements absurdes, rocambolesques, où le personnage principal croit devenir fou, où finalement même le lecteur doute de tout, et cherche où est la réalité dans toutes ces péripéties.
En conclusion, un bon moment, bien que déconcertant au départ, et la découverte d’une écriture nerveuse, ironique et sans pitié pour le régime… ce qui vaudra bien sûr quelques ennuis à son auteur !
Un regret néanmoins : ayant lu la post-face, je m’aperçois que les noms des personnages ont une signification qui ajoute encore à l’incongru des situations, hélas le traducteur, dans la nouvelle en elle-même ne traduit pas -en note de bas de page, par exemple- de sorte qu’une partie du sens nous échappe.
Merci à qui ? A Guillaume, danseur de son état, qui m’en a fait cadeau il y a une décennie de cela, lors de la première d’un spectacle… Ah, les cadeaux de première, un rituel immanquable !
Le petit plus : une étape en Russie pour mon Tour du Monde, et un Classique pour ma session 2 (je rends mon billet en retard, j’en ai plusieurs dans ma besace encore !)
Rendez-moi mes papiers. Mon nom est sacré. Restaurez-le !
On ne peut pas m’arrêter [...] parce que je suis on ne sait qui.
Place aux lecteurs